Comme le chantait Charles Trénet, " Une noix, qu'y a-t-il à l'intérieur d'une noix ? Qu'est-ce qu'on y voit quand elle est fermée ? On y voit mille soleils, tous à tes yeux bleus pareils ...". Le fou chantant avait sûrement raison, poétiquement parlant, mais botaniquement parlant, il s'y est cassé les dents...
La noix est le fruit du noyer (Juglans regia, famille des Juglandacées) et est vendue comme un fruit sec. Mais ce qu'on vous vend n'est que le noyau d'un fruit charnu ! Un fruit charnu ?? Oui, pensez au brou de noix (c'est lui la partie charnue !) ou au vin de noix qui est fait par macération de ce brou de noix, comme vous préférez, chacun ses références...
Ce fruit charnu provient de la transformation du pistil de la fleur après sa fécondation. La preuve ? Il reste sur la noix verte une petite "queue" qui correspond aux restes du sommet du pistil desséché (les stigmates, visibles sur la photo de fleur en 2 plumeaux jaune crème par fleur). Le plus souvent, deux fleurs serrées l'une contre l'autre au sommet du rameau donnent naissance à deux noix qui semblent "jumelles".
Prenons alors une de ces noix vertes encore tendres, et coupons la en deux, en juin, pour voir l'intérieur, comme le souhaitait Charles Trénet.
On y voit... d'abord l'enveloppe verte justement, le brou. En botanique, c'est lui le péricarpe ou enveloppe du fruit. Puisque le brou (le péricarpe du fruit) est charnu (épais, mou, plein d'eau), la noix est bien un fruit charnu. C'est ce brou qui donne le goût au vin de noix car le noyer est un fin alchimiste, produisant de nombreuses substances chimiques comme des tannins ou la fameuse juglone. Celle-ci est aussi produite par les racines et les feuilles du noyer. C'est une substance toxique pour les germinations des autres plantes, ce qui laisse à penser que le noyer fait table rase autour de lui, éliminant la compétition des autres plantes. Une vraie guerre chimique... Pour finir sur une note plus colorée, le brou macéré, avec sa belle couleur brune à maturité, est utilisé en teinture pour foncer le bois des meubles, la laine ou colorer les cheveux de reflets cuivrés, en substitut ou en complément du henné.
Ensuite, sous le brou vert, qu'y a-t-il ? Une épaisseur blanche qui durcira dans les semaines qui viennent pour former la "coque de la noix". Elle correspond à la partie la plus interne du péricarpe (l'endocarpe) qui se lignifie à maturité en un noyau. La noix, fruit charnu à noyau est en botanique une drupe, aussi sûrement que la cerise est une drupe, ainsi que la pêche ou l'abricot... La seule différence avec toutes ces autres drupes botaniques, c'est qu'on ne consomme pas le brou de noix directement, c'est tout !
Enfin, au cœur de la noix verte, la graine. Celle-ci, comme toute graine qui se respecte, comporte un embryon ou "bébé-plante" et son bagage nutritionnel, le tout emballé dans un tégument protecteur (la petite peau blanche sur la photo, et qui deviendra brune, un peu amère). L'embryon, futur noyer, est surtout reconnaissable ici par ses deux feuilles embryonnaires ou cotylédons, en train de se remplir de substances nutritives, des réserves lipidiques (du gras !) qui leur donnent cet aspect gélatineux. Plus tard, à l'automne, la graine sera mature à l'intérieur de la coque de noix durcie et on l'appellera cerneau de noix. Enfin quelque chose à se mettre sous la dent !
Le cerneau de noix sorti de sa coque, on voit bien l'embryon tout petit, sorte de petite pointe (flèche rouge) au bout du cerneau. A lui sont rattachés les deux gros cotylédons plissés (flèches bleues), redivisés perpendiculairement par une cloison (ici enlevée), et donnant l'impression que le cerneau est fait de 4 lobes. Les deux cotylédons, feuilles de l'embryon, sont maintenant gorgés des réserves carbonées lipidiques. On fera de l'huile de noix en pressant les cerneaux !
Si on casse le cerneau en deux, on détache alors les deux cotylédons l'un de l'autre et l'on voit très bien que le cotylédon restant est bien divisé en deux lobes (flèches bleues). On voit aussi nettement l'axe de l'embryon (partie claire, blanche). La pointe (flèche rouge) se développera pour construire la future tige du jeune noyer, et l'arrondi de l'autre côté, la future racine.
Et les "cloisons" un peu dures qui épousent les circonvolutions du cerneau de noix dans la coque ? On les retire avant de croquer le cerneau (flèches roses) car elles sont par trop coriaces. Il y en a deux, perpendiculaires l'une à l'autre, qui semblent "couper" le cerneau en 4 lobes. Dans la noix de juin, coupée en long, on voit ces cloisons blanches, qui isolent les lobes du cerneau en construction.
4 lobes et des circonvolutions qui donnent finalement au cerneau un petit air de cerveau !
"Une noix, qu'y a-t-il à l'intérieur d'une noix ? Qu'est-ce qu'on y voit quand elle est ... ouverte ? Ouverte ? Mais alors ça change tout ! On n'a pas le temps d'y voir, on la croque et puis bonsoir, on la croque et puis bonsoir les découvertes ! ". Charles Trénet, Une noix.
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