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Photo du rédacteurCatherine Lenne

La saison du recyclage

A l'automne, c'est régulier, c'est prévisible, les arbres perdent leurs feuilles. Les feuillus, appelés aussi arbres décidus (ça veut dire "qui perd ses feuilles...) s'effeuillent ainsi de manière synchrone, tous les ans à l'automne. La chute des feuilles mortes, l'abscission, est l'aboutissement d'une longue série de transformations dans l'arbre, qui a débuté il y a plusieurs semaines lorsque la longueur des jours a commencé à franchement diminuer. En effet, les plantes sont capables de mesurer la longueur du jour (la photopériode), par l'intermédiaire de leurs feuilles justement ! Mais avant que les feuilles ne tombent, l'arbre se lance dans une grande opération de recyclage...

Lorsque la photopériode est suffisamment courte, les feuilles vertes des arbres changent de couleur, et ce progressivement. Du vert uniforme de l'été, elles passent au jaune (hêtraie ci-dessus), roux ou orange... Le changement est lié essentiellement à la dégradation des chlorophylles, les pigments verts qui masquent en été les autres pigments colorés (les caroténoïdes orangés et les jaunes xanthophylles). Une feuille verte estivale est ainsi aussi jaune et orange mais cela ne se voit pas !

La destruction des chlorophylles débute dans le limbe de la feuille et gagne progressivement les nervures. Les feuilles en cours de transformation montrent alors des marbrures particulièrement esthétiques, tels les vitraux de nos églises... (bouleau, ci-contre).


Lorsque les chlorophylles ont complètement disparu, la feuille verte est devenue jaune (hêtre ci-dessous).


Il y a même des arbres qui rougissent plutôt que de jaunir, comme le liquidambar (ci-dessous) ou les érables... Et rougir, ce n'est pas tout à fait la même chose que jaunir ! Les pigments rouges, des anthocyanes, sont cette fois synthétisés dans les feuilles de l'automne, en réponse vraisemblablement au "coup de stress" qu'elles subissent en cette période, et ce d'autant plus que la feuille est pleine de sucres fabriqués par sa photosynthèse. Un stress ? De quelle nature ? La différence de température entre les nuits fraiches automnales et les journées douces, qui peuvent même être bien ensoleillées en cette arrière-saison, est une agression pour ces feuilles tendres. Passer de quelques degrés à 25, on attraperait nous aussi le rhume !


Le démantèlement des vertes chlorophylles produit dans toutes les feuilles un grand nombre de petits composés carbonés qui sont réabsorbés par l'arbre via les nervures des feuilles, tant qu'elles sont encore fonctionnelles : la quasi-totalité de l'azote et du phosphore contenus dans la matière organique de la feuille en cours de dégradation est ainsi récupérée par l'arbre ! Pas de gaspillage, recyclage "in progress" !

Puis, lorsque la feuille est (quasi) vidée de sa substance, les nervures sont progressivement colmatées par un processus actif appelé thyllose (il consiste en la formation de "bulles" de colmatage, les thylles, dans les tuyaux des nervures, par les cellules voisines qui gonflent dans la lumière des conduits, comme des bulles de chewing-gum). La thyllose s'accompagne de la synthèse de substances antibiotiques et aseptiques comme des tannins, qui limiteront l'entrée des bactéries et des champignons lorsque la feuille sera tombée.

En même temps, à la base du pétiole (la petite "tige" qui relie encore la feuille à la branche) se forme une zone d'abscission : les tissus de la base du pétiole se désorganisent et se fragilisent tandis qu'un liège cicatriciel imperméable se construit au-dessus de la zone fragilisée, formant une sorte de pansement naturel qui protègera la cicatrice lorsque le vent aura détaché la feuille. On voit nettement sur la cicatrice foliaire, en hiver, située juste sous les petits bourgeons portés par les branches, la trace des tuyaux des nervures qui parcouraient le pétiole, dessinant un sourire dans le champ de la cicatrice (flèches rouges ci-contre, frêne).



Et une fois les feuilles tombées au sol, le recyclage se poursuit (érable ci-dessous). Leur décomposition dans la litière commencent et les composants libérés et "reminéralisés" par les micro-organismes du sol peuvent finalement être réabsorbés par l'arbre au printemps suivant : le recyclage est ainsi optimisé !



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